La France dans le basculement du monde

22 décembre 2023 - 08:20

Nous y sommes ! Le basculement du monde, produit de la mondialisation, touche désormais le champ des représentations. Avec d’importantes conséquences politiques.

On avait déjà connu en Europe et en France les effets majeurs de la mondialisation. Désindustrialisation; chômage de masse; accès à bas prix aux produits de consommation «made in RP de Chine »; recul des parts de marché des entreprises françaises en Afrique et dans les autres pays du Sud…

Mais l’édifice symbolique, la « place de la France dans le monde » continuait de tenir. Une France qui faisait partie du top 5 des pays qui comptent dans le monde. Avec sa diplomatie, son armée, sa bombe atomique, son siège permanent au Conseil de sécurité, une forte influence dans les pays de son ancien empire colonial. Avec son rôle majeur en Europe. Son gigantesque espace maritime.

Une langue française en recul relatif, mais qui tenait encore son rang. Avec une perspective de croissance dans le monde, basée sur la vigueur démographique des pays africains pensés comme massivement « francophones »

Un certain magister dans le monde

La France s’est fabriqué une place singulière dans le monde. Basée sur le souvenir de son rayonnement « universel » et ses « Lumières ». C’est dans les premiers jours de la Révolution Française, que s’est élaborée en 1789 la « Déclaration des Droits de l’Homme » qui déclare, dans son article 1 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Cette phrase fondamentale exprimait que des dizaines de siècles d’inégalités fondées sur les statuts assignés, qui avaient structuré toutes les sociétés jusque-là, pouvaient prendre fin. Offrant ainsi une perspective égalitaire sans précédent.

Sur ces bases, la France a longtemps réussi à identifier son image à celle d’une nation créative. A la pointe de la modernité et des droits de l’homme. Une modernité qui s’est créée essentiellement au XVIII° siècle aux Etats Unis, en Angleterre et en France.

Les « Lumières » ?

La France s’est ainsi crue investie d’une « mission » particulière. Elle devait répandre sur le monde entier les « Lumières ». C’est en leur nom que l’Empire colonial français s’est construit, cachant les objectifs mercantiles de pillage et de domination économique des territoires annexés à l’Empire. Jules Ferry qui a généralisé l’éducation sur tout le territoire de France, a été l’un des plus fervent promoteur de l’extension de cet Empire. Une « Destinée manifeste » à la française !

Ces droits de l’homme, la France les a déclarés « universels ». Un universalisme de domination. Rongé par le « deux poids, deux mesures » entre ses déclarations généreuses basées sur le principe d’égalité. Et sa pratique totalement contraire d’apartheid légal dans son empire colonial.

Tout cela s’écroule avec fracas !

Ce pays a porté avec un certain brio le thème des relations entre Nord et Sud (« la Maison brule, et nous regardons ailleurs » …). Mais aussi, souvenons-nous, sa capacité à refuser de se laisser entrainer derrière les Etats Unis, pour attaquer l’Iraq en 2003.

Le violent rejet dont est sujet la France dans les parties du monde où son influence était la plus grande prend une nature particulière.

La politique extérieure française est largement responsable de l’accélération de ce recul. Par son aveuglement sur les mutations profondes, dans leur immense diversité, qui animent les sociétés de ce qu’on désigne aujourd’hui par « le Grand Sud ». Et notamment l’aspiration à d’autres relations avec l’ancienne métropole coloniale.

Jacques Ould Aoudia, Économiste, et Vice président de l’association franco- marocaine «Migrations et développement ».

 

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