La comparution de l’épouse de Pedro Sánchez souligne les tensions croissantes entre magistrature et pouvoir exécutif, et interroge sur la solidité institutionnelle de l’Espagne dans un contexte méditerranéen sensible.
L’Espagne traverse une nouvelle zone de turbulence. Begoña Gómez, épouse du président du gouvernement Pedro Sánchez, a de nouveau comparu devant le juge Juan Carlos Peinado. L’audience, brève et limitée à quelques questions posées par son propre avocat, visait à clarifier un soupçon de malversation: une fonctionnaire rattachée à la présidence aurait, selon l’instruction, travaillé ponctuellement sur des tâches liées au master universitaire dirigé par Gómez.
Le détail peut sembler secondaire, mais l’affaire dépasse largement le cadre technique. Depuis avril 2024, Gómez est sous enquête pour corruption et trafic d’influence. Le ministère public a recommandé l’abandon des poursuites, tandis que le magistrat a choisi de poursuivre. Cette divergence illustre la polarisation du système judiciaire espagnol, perçu par une partie de la société comme un acteur politique à part entière.
L’origine des plaintes renvoie à des associations proches de l’extrême droite, ce qui alimente la suspicion d’un usage stratégique de la justice contre le chef du gouvernement. Sánchez, de son côté, accuse certains juges de transformer leurs fonctions en tribune politique. Ses déclarations traduisent l’exaspération d’un exécutif fragilisé: des proches collaborateurs comme Santos Cerdán et José Luis Ábalos ont été cités dans d’autres enquêtes, et même son propre frère fait l’objet d’investigations.
Cette accumulation de dossiers projette l’image d’un gouvernement assiégé. L’opposition de droite réclame chaque jour la démission de Sánchez, et chaque comparution judiciaire devient un événement médiatique exploité dans la bataille politique. La justice, au lieu d’incarner un arbitre impartial, apparaît exposée au tumulte partisan.
La question centrale concerne la confiance dans les institutions. L’Espagne, souvent présentée comme un pilier de stabilité dans le bassin méditerranéen, voit cette réputation mise à l’épreuve. L’impression d’une justice transformée en champ de bataille politique fragilise la crédibilité de l’État et complique l’exercice de la démocratie.
Pour ses partenaires méditerranéens, l’affaire ne reste pas sans écho. L’Espagne joue un rôle de premier plan dans la coopération régionale, qu’il s’agisse de migrations, d’énergie ou de relations avec l’Union européenne. Une perception d’instabilité à Madrid peut affaiblir son autorité dans les négociations bilatérales et brouiller son image internationale.
Begoña Gómez, devenue figure publique malgré elle, symbolise cette tension. Son dossier n’est pas seulement une affaire individuelle: il condense les interrogations sur l’indépendance de la justice et sur la capacité des institutions espagnoles à fonctionner dans un climat de polarisation intense.
L’enjeu dépasse donc la situation personnelle de l’épouse du président. Il s’agit de savoir si l’Espagne saura préserver l’équilibre entre justice et politique, et garantir que les tribunaux demeurent au service de l’État de droit plutôt qu’aux mains de stratégies partisanes. La réponse à cette question pèsera sur la solidité démocratique du pays et sur la confiance que ses partenaires méditerranéens lui accordent.