À Genève, les projecteurs diplomatiques se tournent une nouvelle fois vers le Proche-Orient. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies tiendra mardi une réunion extraordinaire consacrée à l’attaque israélienne du 9 septembre contre un bâtiment à Doha. Une décision qui révèle, au-delà de la gravité des faits, les fractures profondes au sein du système multilatéral.
La convocation a été demandée par deux membres du Conseil, qui compte 47 États : le Koweït, agissant au nom du Conseil de coopération du Golfe, et le Pakistan, représentant l’Organisation de la coopération islamique. Leur démarche traduit une volonté de placer la question au cœur de l’agenda international, alors que la guerre à Gaza continue de polariser les capitales.
La réaction d’Israël ne s’est pas fait attendre. Sa mission permanente à Genève a qualifié l’initiative « d’absurde », assurant que toute résolution issue de ce débat « restera une tache pour les mécanismes internationaux des droits humains ». Sur son compte officiel de X, la représentation israélienne a accusé le Conseil de se transformer en « protecteur des violeurs de droits humains » plutôt qu’en défenseur des victimes.
De son côté, le haut-commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, avait déjà condamné le bombardement le jour même. Selon lui, l’attaque contre un immeuble abritant des responsables de Hamas à Doha revenait à « jeter de l’huile sur le feu » dans une région déjà minée par la violence.
Un contexte hautement sensible
Le Qatar, qui héberge le bureau politique de Hamas, joue depuis plusieurs années un rôle de médiateur dans les négociations de cessez-le-feu à Gaza, en coordination avec l’Égypte et les États-Unis. Doha est donc un espace où se croisent discrètement délégations israéliennes et émissaires palestiniens, malgré la guerre ouverte. L’attaque du 9 septembre prend ainsi une portée symbolique et politique qui dépasse largement le théâtre qatari.
Pour les pays arabes et musulmans, il s’agit d’un franchissement de ligne rouge : frapper sur le sol d’un État tiers engagé dans la médiation est perçu comme une atteinte directe à l’architecture fragile du dialogue régional. Pour Israël, au contraire, l’opération est justifiée par la présence de cadres de Hamas considérés comme cibles légitimes.
Une séance qui s’inscrit dans l’histoire du Conseil
La réunion prévue cette semaine sera la dixième session extraordinaire du Conseil depuis sa création en 2006. Parmi les précédents, on se souvient du débat consacré à l’agression russe en Ukraine, convoqué moins d’une semaine après le déclenchement de l’invasion en février 2022, ou encore de la session dédiée à la situation des femmes en Afghanistan sous régime taliban.
Cette fois, c’est au cœur de la 60e session ordinaire – ouverte le 8 septembre et qui s’achèvera le 8 octobre – que les délégations devront se prononcer. L’issue reste incertaine : d’un côté, un bloc arabe et musulman mobilisé pour obtenir une condamnation formelle ; de l’autre, les alliés occidentaux d’Israël, prompts à relativiser ou bloquer les initiatives jugées « politisées ».
L’enjeu pour le multilatéralisme
Pour les observateurs à Genève, ce rendez-vous dépasse la seule question israélo-palestinienne. Il pose une interrogation plus large : quelle crédibilité conserve un système international accusé de pratiquer le deux poids, deux mesures ? Après les sanctions rapides contre Moscou en 2022, la lenteur et les blocages constatés sur Gaza alimentent les critiques d’un multilatéralisme sélectif, soumis aux rapports de force géopolitiques.
L’ONU s’apprête à ouvrir un nouveau chapitre dans le débat sur la guerre de Gaza. Que le Conseil adopte ou non une résolution, la réunion de Genève illustre la difficulté d’un système censé défendre des principes universels, mais piégé par les rivalités politiques de ses membres.