La visite à Washington du ministre syrien des Affaires étrangères, Asad al Shaibani, constitue la première du genre depuis plus d’un quart de siècle. Elle traduit le tournant d’une Syrie en transition qui cherche à regagner une légitimité internationale perdue sous Bachar al Asad.
«Le retour d’un ministre syrien des Affaires étrangères à Washington après vingt-cinq ans d’absence marque un tournant diplomatique majeur. L’arrivée d’Asad al Shaibani et de sa délégation s’inscrit dans une volonté de renouer les fils d’une relation interrompue depuis un quart de siècle et d’ouvrir un dialogue que la guerre et l’isolement avaient écarté de la scène internationale. L’événement aurait été impensable il y a encore quelques mois, lorsque le régime de Bachar al Asad se maintenait au pouvoir malgré une guerre civile interminable, des sanctions écrasantes et une mise au ban diplomatique quasi totale.
Depuis décembre dernier, la chute de l’ancien président a ouvert un nouveau chapitre. Le gouvernement de transition conduit par Ahmed al Shaara affiche une double priorité : obtenir la reconnaissance internationale et amorcer une stabilisation économique indispensable à un pays exsangue. C’est dans ce cadre qu’intervient le geste américain, plus calculé qu’il n’y paraît. Washington a levé une grande partie de ses sanctions, tout en maintenant certaines mesures ciblées, et s’engage désormais dans une stratégie de “normalisation conditionnelle”.
Le retour d’un ministre syrien des Affaires étrangères à Washington après vingt-cinq ans d’absence marque un tournant diplomatique majeur. L’arrivée d’Asad al Shaibani et de sa délégation traduit la volonté d’un pays en transition de renouer une relation longtemps suspendue et de réintégrer progressivement la scène internationale. Pour l’administration américaine, il s’agit de tester la fiabilité d’interlocuteurs encore fragiles, tout en limitant l’influence de la Russie, de l’Iran et de la Turquie dans le dossier syrien. La diplomatie américaine retrouve ainsi une carte qu’elle croyait perdue depuis la première décennie du conflit.
La semaine prochaine, le président intérimaire Ahmed al Shaara participera à l’Assemblée générale des Nations Unies. Là encore, l’image sera puissante. La Syrie de l’après-Asad se présentera devant la communauté internationale avec la volonté de tourner la page. Reste à savoir si la parole diplomatique suffira à effacer des années de guerre et de méfiance. Le pays doit encore relever des défis immenses, à commencer par la reconstruction d’institutions crédibles et la réconciliation entre des sociétés déchirées.
Pour les opinions publiques du Maghreb et du Moyen-Orient, ce rapprochement inattendu suscite à la fois espoir et prudence. Espoir d’un retour de la Syrie dans le concert des nations, mais aussi prudence face au risque de voir se reproduire les logiques de dépendance et d’ingérence qui ont marqué l’histoire récente de la région. L’expérience irakienne reste dans toutes les mémoires : la présence américaine est perçue à la fois comme une garantie et comme une menace.
Dans ce contexte, la diplomatie syrienne devra convaincre qu’elle ne se limite pas à une opération cosmétique. La transition politique sera jugée sur sa capacité à ouvrir l’espace public, à réduire la corruption endémique et à répondre à une crise humanitaire qui persiste. Le défi n’est pas seulement de rétablir des relations avec Washington, mais de bâtir un nouvel équilibre entre souveraineté nationale et insertion internationale.
Vingt-cinq ans après la dernière visite d’un ministre syrien des Affaires étrangères aux États-Unis, le geste d’Asad al Shaibani ouvre une brèche diplomatique. Elle ne garantit ni la stabilité ni la réconciliation, mais elle révèle une volonté de sortir d’un isolement qui a coûté trop cher. L’histoire jugera si ce pas marque le début d’un retour durable de la Syrie sur la scène internationale ou s’il ne reste qu’un épisode dans le long feuilleton d’une région traversée par les recompositions.