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Venezuela face aux États-Unis, la militarisation civile comme stratégie politique

21 septembre 2025 - 07:54

À Caracas, le gouvernement de Nicolás Maduro a organisé des exercices militaires ouverts aux civils dans plusieurs quartiers populaires. Cette démonstration intervient au moment où Donald Trump menace le pays de “conséquences incalculables” et où la tension géopolitique dans la région caribéenne prend une tournure plus préoccupante.

Dans la grande avenue de Petare, un quartier densément peuplé de la capitale, des blindés circulaient aux côtés de groupes de volontaires venus s’initier aux bases de la défense armée. Le ministère de la Défense parle de “résistance révolutionnaire”. Derrière l’appareil militaire, on devine surtout une mise en scène : montrer que l’armée et le peuple se confondent lorsqu’il s’agit de défendre la patrie.

Cette initiative survient alors que Washington a déployé huit navires de guerre dans les Caraïbes sous prétexte de lutte antidrogue. Les forces américaines disent avoir détruit plusieurs embarcations soupçonnées de transporter de la cocaïne, avec quatorze morts. Caracas y voit un signe d’escalade et dénonce un plan de “changement de régime”. La rhétorique de confrontation s’est encore durcie lorsque Trump a exigé que le Venezuela accepte immédiatement le retour de migrants expulsés des États-Unis, menaçant de représailles si Caracas refusait.

La participation civile est restée limitée, malgré les appels de Maduro à une mobilisation massive. Les volontaires ont reçu une formation rudimentaire : maniement d’armes légères, camouflage, premiers secours et sessions idéologiques inspirées du “Méthode tactique de résistance révolutionnaire”. L’objectif n’est pas tant la préparation militaire que l’effet politique. En intégrant les civils, le régime affirme que la défense de la République appartient à chacun et cherche à souder une légitimité ébranlée par la crise économique et l’exode massif.

Maduro a convoqué l’imaginaire historique pour galvaniser ses partisans. Il a cité le Che Guevara et rappelé des batailles d’indépendance comme Boyacá, Ayacucho ou Carabobo. Le parallèle entre l’époque héroïque et la situation actuelle vise à inscrire la résistance vénézuélienne dans une tradition continentale. Ce recours à la mémoire révolutionnaire est un outil de survie politique.

Mais les limites sont évidentes. Le Venezuela traverse une crise profonde depuis plusieurs années : inflation hors de contrôle, effondrement des services publics, migrations massives. Dans ce contexte, transformer des civils en miliciens paraît plus symbolique qu’opérationnel. L’initiative pourrait même accroître la fragmentation sociale, dans un pays déjà marqué par la violence armée dans de nombreux quartiers.

Pour Washington, la pression militaire et les menaces de sanctions s’inscrivent dans une stratégie d’usure. Les accusations de narcotrafic portées contre Maduro et la prime de 50 millions de dollars pour sa capture ajoutent une dimension judiciaire et médiatique au conflit. L’affaire migratoire vient renforcer cette tension, alors que le dossier de l’immigration reste un thème central dans la campagne politique américaine.

Vue d’Afrique du Nord, la scène rappelle d’autres contextes où les gouvernements confrontés à des crises internes choisissent de militariser la société. La rhétorique anti-impérialiste sert à canaliser le mécontentement et à donner une cohérence idéologique à la survie d’un régime. Elle illustre aussi la manière dont certains États utilisent la mobilisation populaire comme instrument diplomatique, envoyant un message dissuasif à leurs adversaires.

La militarisation civile au Venezuela ne transforme pas l’équilibre des forces face aux États-Unis. Elle fonctionne surtout comme signal politique interne et externe. Maduro veut démontrer que toute intervention aurait un coût social et symbolique. Le risque est d’enfermer le pays dans une logique de confrontation permanente, qui retarde toute solution réelle à une crise humanitaire et économique parmi les plus graves du continent.

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