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Antifa dans le viseur de Trump

23 septembre 2025 - 16:25

L’annonce de Donald Trump selon laquelle Antifa serait désigné comme “organisation terroriste domestique” relance un débat sensible sur la frontière entre sécurité et libertés civiles. L’étiquette révèle davantage une stratégie électorale qu’une lecture juridique solide.

Le terme Antifa, contraction d’antifascisme, remonte à l’Allemagne des années trente lorsque des militants de gauche tentèrent de freiner l’ascension nazie. Aux États-Unis, il désigne un ensemble de collectifs autonomes, sans structure centrale ni hiérarchie formelle. Il s’agit d’une identité partagée plutôt que d’une organisation traditionnelle. Sous cette bannière coexistent socialistes, anarchistes et activistes indépendants, mobilisés contre les suprémacistes blancs et les courants d’extrême droite.

L’assassinat du conservateur Charlie Kirk le 10 septembre a servi de déclencheur. Trump a réactivé une menace déjà formulée en 2020 après les manifestations suscitées par la mort de George Floyd. Or le cadre légal américain ne permet pas de qualifier une entité intérieure d’organisation terroriste. Les outils existants concernent uniquement des groupes étrangers tels qu’Al Qaïda ou Daesh. Cette distinction met en évidence que la déclaration présidentielle relève surtout de la rhétorique politique.

Les juristes soulignent qu’étendre la notion de terrorisme à l’espace intérieur fragiliserait les garanties constitutionnelles du premier amendement. Ils rappellent aussi qu’une telle extension ouvrirait la voie à l’usage arbitraire de cette catégorie contre des opposants. Le problème ne réside pas uniquement dans la réalité d’Antifa, mais dans la capacité du langage politique à brouiller la frontière entre sécurité et répression.

L’expérience du mouvement montre des tactiques controversées, souvent liées à la confrontation directe. Les réduire à une menace terroriste occulte une réalité plus nuancée. La violence politique aux États-Unis provient de radicalismes multiples qui se nourrissent mutuellement dans un climat de polarisation persistante. Aucun camp n’en détient le monopole et cette complexité devrait empêcher toute simplification en slogans.

La question se pose lorsqu’une mobilisation sociale franchit le seuil de la violence et que l’État choisit d’appliquer la notion de terrorisme de manière sélective. Ce débat dépasse les frontières américaines. Sur la scène internationale, le mot terrorisme a souvent servi à délégitimer des mouvements sociaux et des protestations. L’exemple nord-américain agit comme un avertissement sur la facilité avec laquelle une démocratie peut manipuler le langage sécuritaire pour limiter les libertés.

Qualifier de terroriste un mouvement dépourvu de structure nationale reflète un geste politique davantage qu’une mesure juridique. Une telle décision ouvre la voie à une instrumentalisation de la lutte antiterroriste contre des adversaires intérieurs et met en péril l’équilibre démocratique.

Le débat engagé aux États-Unis dépasse la sphère domestique et rappelle que les mots du pouvoir peuvent transformer les libertés en suspicion et la contestation en délit.

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