>

Michelle Bachelet en lice pour le secrétariat général de l’ONU

24 septembre 2025 - 12:53

L’annonce du président chilien Gabriel Boric à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, a suscité un intérêt qui dépasse de loin les frontières de l’Amérique du Sud. Santiago présentera la candidature de Michelle Bachelet au poste de secrétaire générale de l’ONU lorsque le mandat d’António Guterres arrivera à son terme en 2026. Cette décision inscrit la voix latino-américaine dans un débat mondial sur la représentation et l’équilibre des pouvoirs, un débat qui interpelle également les sociétés du Maghreb, souvent confrontées à la question de la place qui leur est réservée dans l’architecture internationale.

La trajectoire de Bachelet confère un poids particulier à sa candidature. Médecin de formation, ancienne ministre de la Défense, survivante de la dictature chilienne et première femme à accéder à la présidence de son pays à deux reprises, elle a acquis une expérience qui conjugue action nationale et engagement multilatéral. À la tête d’ONU Femmes, puis en tant que Haute-Commissaire aux droits de l’homme, elle a incarné une approche à la fois empathique et ferme, qualité que Boric a mise en avant en soulignant la cohérence d’un parcours marqué par la constance et la responsabilité.

La postulation de Bachelet intervient toutefois dans un contexte délicat. L’ONU traverse une période de fragilité institutionnelle, incapable de contenir les conflits qui s’enlisent en différents points de la planète. Les blocages répétés au Conseil de sécurité révèlent l’impuissance des mécanismes actuels face aux guerres de Gaza, d’Ukraine ou du Soudan. Dans ce climat, la désignation du prochain secrétaire général devient un enjeu de premier plan. Bachelet pourrait apparaître comme figure de compromis, mais son passé de Haute-Commissaire, avec des rapports critiques sur des régimes autoritaires, risque aussi de susciter des résistances.

La dimension de genre pèse également dans le débat. Depuis 1945, aucune femme n’a dirigé l’organisation, et la seule voix latino-américaine parvenue au sommet fut celle du Péruvien Javier Pérez de Cuéllar dans les années 1980. La candidature de Bachelet concentre ainsi deux aspirations longtemps différées : l’égalité de représentation et la reconnaissance du rôle d’une région qui, malgré sa marginalisation dans les grandes négociations, reste déterminante dans la construction d’un ordre international plus équilibré.

Les obstacles apparaissent nombreux, car la décision finale appartient aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité — États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni. Au sein d’un contexte géopolitique fragmenté, chaque candidature est évaluée à travers le filtre des rivalités stratégiques. Les rapports que Bachelet a rédigés sur la crise vénézuélienne ou sur la situation des droits humains en Chine peuvent ainsi nourrir des appuis enthousiastes autant qu’ils peuvent susciter des réserves.

Pour l’Amérique latine, la nomination est déjà un succès symbolique. Elle remet la région au centre du jeu diplomatique, là où souvent elle reste spectatrice. Pour le Chili, c’est une manière de projeter une image de sérieux et de responsabilité. Pour le Maghreb, et en particulier pour le Maroc, cette candidature rappelle que l’ONU reste un espace décisif où se croisent les ambitions régionales et les débats planétaires. La manière dont l’organisation se dotera d’un nouveau leadership concernera directement des dossiers aussi sensibles que les crises migratoires, la gouvernance climatique ou les conflits territoriaux.

L’annonce de Boric, faite aux côtés de Bachelet elle-même, prend ainsi la dimension d’un geste dépassant l’appui national et s’inscrit dans une dynamique qui engage la scène internationale. Elle ouvre une discussion sur l’avenir du multilatéralisme et sur la nécessité de redonner à l’ONU une capacité d’action crédible. Dans un contexte où le système international paraît dominé par les puissances établies, la candidature de Bachelet traduit l’ambition d’élargir l’horizon, d’intégrer d’autres voix et de rappeler que le multilatéralisme n’appartient pas exclusivement aux acteurs du Nord.

Partager l'article

Partagez vos idées

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *