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Monsieur Akhannouch… merci pour rien, ne serait-il pas temps de partir ?

29 septembre 2025 - 14:10

Abdelaziz GOUGAS 

Ô cher de cette patrie… ou de ce qu’il en reste !

Je ne suis pas Joseph pour t’annoncer l’interprétation des sept vaches grasses et des sept maigres, ni pour lire dans les épis secs et les épis verdoyants afin d’être nommé intendant des greniers de tes royaumes. Je ne suis qu’un homme parmi tant d’autres, qui traverse les mots et la vie sans cicatrice visible, vêtu de la bure que ne revêtent jamais ceux que le pouvoir protège.

Tu n’as pas volé, Dieu t’en préserve. Tu n’as pas pillé l’argent du peuple en plein jour. Tu n’as pas “chouré”, comme disent les enfants des quartiers écrasés. Tu as été trop raffiné pour cela, trop technocrate, au point que nous ne sentons même plus que nous sommes gouvernés par un exécutif.

Tu nous as seulement convaincus, avec ton style calme et ton extrême technocratie, que l’espoir est un projet perdu d’avance. Tu es un habile homme d’affaires, qui sait que protéger ses intérêts obéit à un rituel précis : une réunion feutrée, un sourire devant la caméra, un poison légal baptisé “gouvernance”. Quant au peuple, il n’est rien de plus que des chiffres alignés dans des bilans comptables.

Te souviens-tu, Monsieur, de ces slogans grandiloquents brandis par ton parti, le parti de la colombe ? “État social”, “Forsa”, “Ourach”, “Protection sociale universelle”… Nous aurions pu y croire, si ces promesses n’étaient pas sorties de la bouche d’un homme d’affaires plus soucieux de protéger ses hydrocarbures qu’un peuple en train de brûler.

Tu n’as pas volé, qui oserait l’affirmer ? Mais ta fortune s’est envolée vers les sommets tandis que nous tombions dans les abîmes. Je me demande comment tu as réussi à accroître ton capital, sans jalousie aucune, alors que nous étions dépouillés. Pourquoi n’as-tu pas administré nos affaires avec l’intelligence dont tu gères tes sociétés ? Tu es resté spectateur :

  • devant le litre d’essence le plus cher de l’histoire de la pauvreté,
  • devant des jeunes qui fuient l’océan comme si la patrie était une épidémie,
  • devant des enseignants qui mendient devant les portes du Parlement,
  • devant des médecins qui désertent une patrie sourde à leur battement de cœur,
  • devant un peuple qui ne distingue plus entre les élections et la loterie.

Sais-tu, Monsieur le Chef du gouvernement, ce qui est pire que la corruption ?
C’est d’être gouverné par quelqu’un qui ne t’entend pas, ne te voit pas, ne te ressent pas, et qui pourtant sourit à la caméra comme si de rien n’était.

Superviser un gouvernement dont l’échec ne fait pas de bruit mais insuffle l’indifférence dans les veines des citoyens est plus grave que n’importe quelle crise économique. Tu n’as réussi qu’en une seule chose : transformer le désespoir en institution, la trahison en politique publique et l’ironie en programme gouvernemental. Tu nous as bâti un musée de promesses gravées en or et distribué des billets pour un théâtre dont nul ne sait quand la représentation commencera.

Nous ne t’avons pas demandé l’impossible, ni la lune ni le safran de Talouine. Nous avons seulement demandé de vivre dans une patrie qui ne rougisse pas de ses pauvres lorsqu’elle les regarde, de rêver d’une chose simple appelée dignité, que nos parents n’aient pas à choisir entre un médicament contre l’hypertension et une bonbonne de gaz.

Mais peu importe. Tu n’as pas volé, en effet. Tu as seulement fait naître en nous une certitude amère : la catastrophe n’a pas toujours besoin d’un criminel, il suffit de confier notre destin à un homme d’affaires absorbé par ses carnets de profits.

Monsieur le Président, nous ne réclamons pas ton procès, nous ne te rendons pas responsable de tous les péchés d’un pays écrasé par ses requins. Nous sommes un peuple bienveillant, qui ne lapide même pas ceux qui n’ont pas tenu parole.

Mais nous t’en prions, pars. Quitte la scène avec élégance, en silence, sans discours d’adieu. Laisse-nous recoller les morceaux de notre sentiment d’utilité, avant que la patrie ne se transforme en une plaisanterie qui ne fait rire personne.

Pars, Monsieur le Président, discrètement, avec politesse, comme tu es venu. Laisse-nous ouvrir le réfrigérateur de ce pays pour voir s’il reste quelque chose de comestible. Si tu as un cœur, emporte-le avec toi. Si tu n’en as pas, prends tes registres et tes chiffres, enferme-les dans une boîte et va-t’en.

Nous aimons ce pays. Mais nous ne sommes pas amoureux d’une belle image décorée de mensonges. Pars, afin que nous retrouvions un peu de sens, et que nous puissions à nouveau croire que quelque chose dans cette patrie mérite encore la vie.

Source: Anfaspress.com. Traduit de l’arabe par l’équipe de rédaction de Alyaoum24.fr

 

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