Le président Donald Trump a officiellement communiqué au Congrès que les États-Unis se trouvent désormais en “guerre” contre les cartels de la drogue. Cette annonce à la tonalité martiale dépasse le cadre de la sécurité publique et s’inscrit dans celui d’un conflit armé, traduisant une volonté politique de transformer la lutte antidrogue en confrontation militaire, avec des implications directes pour le Mexique, l’Amérique centrale et, plus largement, pour l’équilibre de la sécurité internationale.
En qualifiant les cartels d’“organisations terroristes étrangères”, Trump cherche à obtenir un cadre légal qui autoriserait les forces américaines à intervenir hors de leurs frontières. Ce langage prépare le terrain à des opérations spéciales ou à des frappes ciblées au Mexique ou en Amérique centrale, justifiées au nom de la défense nationale, ce qui représente pour Washington une protection de sa sécurité intérieure et pour ses voisins une intrusion brutale dans leur souveraineté.
Cette rhétorique relève moins d’une improvisation sécuritaire que d’une construction politique où l’insécurité et l’immigration deviennent des leviers électoraux. Trump façonne un récit dans lequel les États-Unis apparaissent comme une nation assiégée devant mobiliser sa puissance militaire pour survivre. Le discours électoral se mue en projet géopolitique, exportant la “guerre contre la drogue” hors des frontières et redessinant le rôle de l’Amérique latine comme simple théâtre d’opérations.
Les risques se déploient à plusieurs niveaux. Pour le Mexique, déjà fragilisé par la violence criminelle, cette posture accentue l’idée d’un État incapable de contrôler son territoire. Pour l’Amérique centrale, elle crée la perspective d’une intégration forcée dans une stratégie militaire nord-américaine. Et pour l’ensemble du continent, elle rappelle que la guerre antidrogue, conduite depuis les années 1970, n’a jamais réduit l’offre de stupéfiants, mais a au contraire généré davantage de violence et de corruption.
La question dépasse d’ailleurs les frontières de la région. Une militarisation assumée aurait des répercussions diplomatiques globales, attisant les divergences avec l’Europe, qui privilégie des politiques de régulation et de réduction des risques, tout en soulevant des inquiétudes en Afrique de l’Ouest et au Maghreb, désormais intégrés aux routes mondiales de la cocaïne.
L’argument de Trump repose sur l’idée de restaurer la puissance américaine par la force, mais l’expérience colombienne démontre les limites de ce choix. Des décennies de coopération militaire et des milliards de dollars investis n’ont pas fait disparaître la cocaïne; la production s’est simplement déplacée, fragmentée et diversifiée, confirmant un cycle bien connu où chaque offensive militaire engendre de nouvelles routes, de nouveaux acteurs et davantage de violence.
L’annonce présidentielle se révèle donc moins une stratégie de sécurité qu’un instrument électoral conçu pour séduire une base républicaine avide de fermeté. Ses conséquences potentielles, cependant, dépassent la campagne américaine et touchent directement la stabilité de l’hémisphère, la nature des relations Nord-Sud et l’idée même de souveraineté.
Les voisins latino-américains se retrouvent confrontés à un dilemme: accepter que la lutte antidrogue se mue en guerre militaire avec ses dérives inévitables, ou s’opposer à une logique qui répète les erreurs du passé. Quant aux États-Unis, ils devront choisir entre prolonger une spirale de militarisation et investir dans une coopération différente, fondée sur la justice sociale, le développement économique et la réduction de la demande intérieure.
Trump promet une Amérique forte face aux cartels, mais ce sont les sociétés civiles latino-américaines, déjà éprouvées par des décennies de violence, qui risquent de supporter le prix d’une guerre proclamée dans les urnes avant même d’être livrée sur le terrain.