La Maison de l’Amérique latine et l’Institut Cervantes de Paris ont rendu hommage à Mario Vargas Llosa en présence de ses enfants, d’Amin Maalouf et d’Antoine Gallimard. L’événement a confirmé l’inscription du Nobel péruvien dans un espace littéraire universel où Paris occupe une place centrale.
Le 6 octobre, Paris a accueilli un hommage solennel à Mario Vargas Llosa, disparu en avril 2025. La Maison de l’Amérique latine, en partenariat avec l’Institut Cervantes et l’ambassade du Pérou, a ouvert ses portes à une soirée de souvenirs et de réflexions consacrée à celui qui fut l’un des plus grands romanciers du XXe siècle. L’atmosphère était à la fois intime et institutionnelle : les enfants de l’écrivain ont évoqué l’homme privé, tandis que des figures intellectuelles ont rappelé la trace indélébile qu’il a laissée dans le champ littéraire mondial.
La présence d’Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l’Académie française, a donné à l’hommage une dimension symbolique forte. Maalouf incarne, comme Vargas Llosa, la condition d’écrivain du passage, un auteur qui transcende les frontières nationales et qui situe la littérature dans une géographie élargie. Son intervention a souligné ce que Paris représente : une capitale où se croisent langues, mémoires et imaginaires venus du monde entier. À ses côtés, l’éditeur Antoine Gallimard a rappelé le rôle des maisons d’édition françaises dans la diffusion internationale de Vargas Llosa, qui trouva très tôt en France un relais prestigieux pour ses romans et essais.
Cet hommage dit beaucoup sur la relation entre la France et l’Amérique latine. Dès les années 1960, Vargas Llosa avait choisi Paris comme lieu d’apprentissage et de reconnaissance. C’est dans la capitale française qu’il lut Flaubert avec passion, qu’il découvrit Sartre et Camus, et qu’il affina son regard critique sur la politique et la société. Les traces de cette immersion française sont visibles dans son œuvre : précision des structures narratives, souci du détail réaliste, et conviction que le roman peut être un instrument de lucidité sociale.
La Maison de l’Amérique latine, en accueillant cette cérémonie, a rappelé sa mission de pont culturel. Fondée pour rapprocher la France et le continent latino-américain, elle devient ici le théâtre d’une mémoire partagée. Le Nobel péruvien n’est pas seulement honoré comme auteur national ou latino-américain, mais comme écrivain universel, partie intégrante d’une république mondiale des lettres.
L’événement a également permis de réfléchir à l’actualité de Vargas Llosa. Son regard critique sur le pouvoir, son obsession pour la liberté individuelle et sa capacité à décrire la complexité des sociétés en transition résonnent encore aujourd’hui. Pour un public maghrébin familier de Paris comme espace de culture et de débat, cette actualité prend une signification particulière. Elle montre comment un écrivain latino-américain a su inscrire son expérience dans une langue universelle de résistance et d’imagination.
Il est frappant que l’hommage ait réuni des voix venues d’horizons différents : la famille, l’édition française, la francophonie, le monde hispanique. Cette pluralité reflète la trajectoire même de Vargas Llosa, qui sut être à la fois un romancier du Pérou, un essayiste espagnol et un intellectuel européen. Son parcours illustre l’idée qu’un écrivain peut appartenir simultanément à plusieurs traditions sans se laisser enfermer dans aucune.
En définitive, ce que Paris a célébré n’est pas seulement un nom inscrit au panthéon littéraire, mais une œuvre qui continue de parler aux sociétés d’aujourd’hui. Vargas Llosa fut le témoin des révolutions avortées, des illusions idéologiques et des contradictions de la modernité. Ses romans demeurent des laboratoires où se réfléchit la condition humaine. Dans un monde où la littérature est souvent reléguée au second plan, l’hommage parisien a rappelé qu’elle reste une force de mémoire et de projection.
Rendre hommage à Vargas Llosa à Paris, c’est affirmer que la littérature dépasse les frontières et qu’elle construit des ponts entre l’Amérique latine, l’Europe et le Maghreb. La Maison de l’Amérique latine n’a pas seulement honoré un écrivain disparu, elle a réaffirmé le rôle de Paris comme capitale vivante de l’universel littéraire.