À l’initiative de Washington et du Caire, plus de vingt dirigeants mondiaux se réunissent ce lundi en Égypte pour entériner un accord de paix à Gaza. L’absence de Benjamin Netanyahou et le refus du Hamas de participer mettent en lumière une scène diplomatique recomposée, où la guerre s’achève sans ses protagonistes directs.
La diplomatie retrouve la station balnéaire de Charm el-Cheikh, habituée aux sommets de crise. Le président américain Donald Trump et son homologue égyptien Abdel Fatah Al Sissi coprésideront une conférence présentée comme le tournant décisif de la guerre de Gaza. L’accord de cessez-le-feu conclu deux jours plus tôt entre Israël et le Hamas doit y être concrétisé par la signature d’un document censé « mettre fin à la guerre, favoriser la stabilité régionale et inaugurer une nouvelle ère de sécurité au Moyen-Orient ».
La présence du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, et d’un large bloc de dirigeants européens — Pedro Sánchez, Keir Starmer, Giorgia Meloni, Friedrich Merz — renforce l’idée d’un moment multilatéral. La France sera représentée au plus haut niveau par Emmanuel Macron, tandis que Recep Tayyip Erdogan doit rejoindre les discussions. Le Conseil européen délègue son président Antonio Costa, et le roi Abdallah II de Jordanie est attendu. Malgré cette densité diplomatique, deux acteurs clés manquent à l’appel : Israël et le Hamas.
Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, n’a pas confirmé sa présence. Son absence, si elle se confirme, ouvrirait la voie à une dynamique dans laquelle Israël se voit relégué au rôle de partie liée mais non présente. Côté palestinien, le Hamas a choisi de ne pas apparaître et de s’exprimer « via les médiateurs égyptiens et qataris », selon l’un de ses représentants. Cette double vacance interroge : peut-on proclamer la fin d’un conflit en marginalisant ceux qui l’ont mené ?
Le contexte impose urgence et symbolisme. La libération attendue de plusieurs otages encore retenus dans la bande de Gaza doit coïncider avec le sommet. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, des centaines de milliers de Palestiniens sont retournés à Gaza-ville, dévastée par plus de deux ans de guerre. Les images de retour parmi les ruines rappellent que l’arrêt des combats ne garantit ni reconstruction ni sécurité.
Derrière l’affichage diplomatique, plusieurs agendas se croisent. Donald Trump cherche à capitaliser sur un succès international qui compense ses fractures internes et redessine son influence au Moyen-Orient. Al Sissi tente de réaffirmer le rôle central de l’Égypte comme médiateur incontournable, après des années de concurrence turque et qatarie. Les Européens, eux, veulent rester visibles dans un dossier où leur marge d’action réelle reste limitée. L’ONU, affaiblie dans ce conflit, espère retrouver une légitimité en validant un accord sans avoir pu l’arbitrer.
La conférence se veut historique, mais inaugure un paradoxe : la paix est négociée par ceux qui n’ont pas combattu, tandis que les protagonistes directs avancent à travers des intermédiaires. L’absence de Netanyahou traduit autant la prudence politique que la difficulté d’assumer un texte qui pourrait être perçu comme une concession. Le Hamas, de son côté, s’éloigne du cadre classique des accords pour continuer à peser via la pression humanitaire et l’opinion publique arabe.
En toile de fond, la recomposition du Moyen-Orient se poursuit. Les puissances régionales testent leur influence, tandis que les États-Unis cherchent à se repositionner sans raviver les fractures de l’époque Bush. La guerre aura confirmé que Gaza reste un épicentre mondial où se rejouent leaderships, rivalités idéologiques et équilibres de sécurité.
Lundi, un document sera signé, selon Le Caire. Mais chacun sait que l’après commence dès la fin de la cérémonie. Il faudra reconstruire sans les acteurs directs, garantir la sécurité sans accord inclusif et proclamer la paix alors que les armes se sont tues sans consensus. C’est peut-être la nouvelle grammaire diplomatique. Conclure sans rassembler, déclarer sans résoudre, transformer le symbole en stratégie.