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Le Maroc dans la presse espagnole : la résolution 2797, un tournant diplomatique reconnu

05 novembre 2025 - 15:39

 

La résolution 2797 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée fin octobre, érige le plan d’autonomie marocain en référence centrale pour le règlement du différend du Sahara. Dans les grands quotidiens espagnols, cette évolution est perçue comme un tournant historique et comme la confirmation du succès diplomatique de Rabat. De El País à ABC, la plupart des médias ibériques s’accordent à saluer la maturité de la diplomatie marocaine, tout en rappelant l’exigence de crédibilité et de respect des droits sur le terrain.

Le changement de ton est manifeste. Dans son éditorial du 4 novembre, El País écrit que « le vote du Conseil de sécurité constitue une victoire diplomatique pour Rabat » mais qu’il impose au Maroc une « responsabilité accrue : présenter un projet d’autonomie crédible qui garantisse les droits des Sahraouis ». Le quotidien de référence insiste sur la double nature de ce succès : politique et morale. Il souligne qu’après « un demi-siècle de conflit gelé », la communauté internationale a validé la thèse marocaine, mais que cette reconnaissance oblige à transformer le cadre de l’autonomie en une réalité institutionnelle « pacifique, prospère et respectueuse des habitants du territoire ».
Cette lecture s’inscrit dans la ligne d’une presse espagnole qui, depuis 2022, a dû s’ajuster au virage opéré par le gouvernement de Pedro Sánchez, lorsqu’il reconnut publiquement la proposition d’autonomie comme « la base la plus sérieuse, crédible et réaliste » du processus onusien. El País y voit aujourd’hui la confirmation d’un choix stratégique « aligné avec la position des États-Unis et de la France », désormais validé par l’ONU elle-même.

Du côté conservateur, ABC adopte une perspective plus économique et géopolitique. Le quotidien explique que la résolution « consolide la stratégie de Rabat de transformer le Sahara en pont logistique vers l’Afrique subsaharienne ». Dans un reportage signé par Fatima Zohra Bouaziz, le journal détaille les investissements déjà engagés : plus de 8 000 millions d’euros consacrés à des infrastructures, à des projets d’énergies renouvelables et à la modernisation des ports de Dakhla et de Laâyoune. L’article rappelle que ces chantiers s’inscrivent dans une « dynamique soutenue par les États-Unis et la France » et que la résolution 2797 pourrait « consolider et stimuler les investissements en cours dans la région ».
Pour ABC, l’évolution diplomatique s’accompagne d’un glissement d’image : celle d’un Maroc désormais « moteur de développement continental » et non plus simple acteur de la rivalité maghrébine.

Le portail Atalayar, spécialisé dans les relations euro-méditerranéennes, parle de « victoire stratégique ». Sous la plume de Khadija Taouil, il explique que la résolution « consacre la proposition marocaine comme base unique de tout processus politique durable » et que « la diplomatie de Rabat, patiente et méthodique, a su convertir une idée nationale en référence internationale ». L’article met en avant « la sagesse et la prévoyance » de SM le Roi Mohammed VI et le rôle clé de la coordination avec Washington dans la rédaction du texte adopté.
La publication souligne aussi que la résolution « isole davantage le Front Polisario et son parrain algérien », en fermant la voie aux scénarios d’indépendance totale. L’accent est mis sur « la stabilité et le réalisme », mots devenus récurrents dans les commentaires madrilènes.

Mais la réception espagnole n’est pas unanime. The Conversation, plateforme universitaire, publie l’analyse de María López Belloso (Université de Deusto), qui alerte sur « le passage du droit à la politique comme langage dominant du conflit ». Selon elle, la résolution 2797 « achève la mutation du cadre juridique de décolonisation vers un cadre d’arrangement pragmatique » où la stabilité prévaut sur la légalité. Elle estime que « l’ONU gère désormais le statu quo » et que « l’Union européenne cherche des solutions de contournement à ses propres décisions judiciaires » pour maintenir la coopération avec Rabat.
Cette lecture académique, plus critique, rappelle que le conflit reste suspendu entre deux logiques : celle du droit international et celle de la géopolitique.

Dans un registre plus éditorial, Mundiario célèbre « un triomphe diplomatique longuement poursuivi » par le Maroc, tout en avertissant que « l’autonomie ne saurait être une formule administrative ». Le journal appelle Rabat à bâtir une autonomie « véritable, crédible et vérifiable », à garantir les droits des réfugiés de Tindouf et à transformer sa victoire politique en modèle de coexistence. Il interpelle également le gouvernement espagnol : « Le Parlement ne peut continuer à déléguer au seul exécutif un dossier qui touche à la mémoire et à la responsabilité historique de l’Espagne ».
Le ton moral de cet éditorial reflète une prise de conscience : pour Madrid, la question saharienne demeure aussi un miroir de son propre passé colonial et de ses équilibres régionaux.

Sur les ondes de COPE, l’ancien directeur du renseignement espagnol, Jorge Dezcallar, a rappelé que « Trump est à l’origine du processus » et que la résolution « rédigée par les États-Unis » traduit une cohérence transatlantique. À Melilla, le sénateur populaire Fernando Gutiérrez Díaz de Otazu souligne, dans El Faro de Melilla, que « cette décision renforce le Maroc comme partenaire stratégique des États-Unis » et qu’elle s’inscrit dans la continuité de la lettre envoyée par Pedro Sánchez à Mohammed VI en 2022. Pour lui, « l’Espagne doit préserver sa place dans l’équation atlantique, tout en assumant le nouveau statu quo maghrébin ».

Ces convergences entre diplomatie espagnole, occidentale et marocaine expliquent la tonalité générale de la presse de Madrid. Le Sahara n’est plus seulement un contentieux postcolonial : il devient une matrice d’équilibres économiques, énergétiques et sécuritaires. La 2797 a déplacé le centre de gravité du débat. L’Espagne, qui observait ce dossier avec une prudente distance, reconnaît désormais une dynamique qu’elle ne contrôle plus mais qu’elle ne peut ignorer.
L’ensemble des analyses convergent sur un point : le Maroc a imposé la réalité de sa diplomatie. Le temps des incantations cède la place à celui des faits.

Cinquante ans après la Marche verte, la presse espagnole découvre que le Sahara n’est plus un désert d’incertitudes, mais un espace de projections. Derrière le langage onusien, c’est une nouvelle grammaire géopolitique qui s’écrit : celle d’un Maghreb où Rabat dicte le rythme, où Madrid s’ajuste, et où la stabilité devient une valeur diplomatique partagée.

 

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