Le projet de loi de finances pour 2026 trace les lignes d’un budget à la fois prudent et idéologique. Derrière la technocratie des chiffres, se dessinent des choix politiques clairs qui traduisent les priorités du pouvoir actuel.
Le projet de loi de finances 2026, tel que présenté, ne constitue pas simplement un exercice de prévision budgétaire. Il est, avant tout, une déclaration politique. Les chiffres y jouent le rôle d’alibi technique d’une orientation stratégique qui conjugue consolidation budgétaire, recentrage de l’investissement public et promotion d’un modèle de croissance porté par le privé. Le tout dans un contexte de pressions multiples : exigence de rigueur budgétaire, attentes sociales accrues et nécessité d’honorer les engagements macroéconomiques pris auprès des partenaires financiers internationaux.
Le cadrage macroéconomique retenu reste optimiste. Le PLF 2026 table sur une croissance autour de 3,7 %, soutenue par une reprise de l’investissement et une relance des exportations agricoles et industrielles. Mais ce scénario repose sur plusieurs conditions : stabilité politique, pluviométrie favorable, maintien du dynamisme des IDE, et absence de chocs externes. Autant d’hypothèses fragiles dans un environnement géopolitique mondial incertain.
Côté recettes, l’accent est mis sur une mobilisation fiscale accrue. L’élargissement de l’assiette, la lutte contre la fraude et la rationalisation des exonérations sont au cœur du discours gouvernemental. Mais les hausses implicites de prélèvements pour certaines catégories, notamment les classes moyennes et les petits entrepreneurs, risquent d’alimenter un mécontentement déjà palpable.
Côté dépenses, la rigueur l’emporte. Les hausses sont contenues, parfois symboliques, sauf dans quelques secteurs prioritaires comme la défense, l’éducation et les infrastructures stratégiques. L’investissement public demeure élevé en apparence, mais une lecture attentive révèle une reconfiguration vers des partenariats public-privé, signe d’un retrait relatif de l’État producteur au profit de l’État régulateur.
L’un des choix les plus notables réside dans le maintien du cap des réformes structurelles, notamment la réforme de la compensation, la réorganisation des entreprises publiques et l’accélération de la dématérialisation administrative. Ces mesures traduisent une volonté d’inscrire la gouvernance économique dans les standards de compétitivité internationale, mais elles ont aussi un coût social potentiel, encore peu assumé dans les documents budgétaires.
Politiquement, le PLF 2026 reflète une volonté de continuité. Le gouvernement cherche à rassurer les marchés et les bailleurs de fonds en affichant discipline et crédibilité, tout en tentant de contenir les tensions sociales internes. Mais cette double posture – rigueur vers l’extérieur, prudence vers l’intérieur – pourrait vite se heurter aux limites du possible. La société marocaine exprime de plus en plus ses attentes en matière de justice sociale, d’emploi et de services publics efficaces.
Le projet de loi de finances pour 2026 ne manque pas de cohérence. Il assume une ligne économique libérale, disciplinée et tournée vers la compétitivité. Mais cette cohérence pourrait se payer cher si elle ne s’accompagne pas d’un effort sincère de redistribution, de transparence et de dialogue social. Car au-delà des tableaux Excel, c’est la stabilité politique et la confiance citoyenne qui seront, in fine, les véritables garantes de sa réussite.