Fatima Ettaamni interpelle le ministre sur la marchandisation et la gouvernance des universités

07 septembre 2025 - 12:09

La députée de la Fédération de la gauche démocratique, Fatima Ettaamni, a choisi la voie parlementaire pour mettre en lumière deux dossiers brûlants qui agitent aujourd’hui le monde universitaire marocain : l’instauration de frais pour les fonctionnaires inscrits à l’université et le projet de loi 59.24. Dans ses deux questions écrites au ministre Abdellatif Miraoui, elle dénonce à la fois un risque de marchandisation et une dérive institutionnelle qui menace l’autonomie et la gratuité de l’enseignement supérieur.

Dans une première intervention, Fatima Ettaamni s’est alarmée de la décision de plusieurs universités d’imposer des frais élevés aux fonctionnaires et salariés désireux de poursuivre leurs études par le système dit de « temps aménagé ». Elle écrit que cette orientation « élargit le cercle de l’exclusion sociale » et qu’elle « porte des dimensions sociales et économiques qui touchent au principe d’égalité des chances ». Pour la députée, l’instauration de tarifs allant de 6 000 à 17 500 dirhams selon les cycles constitue une « étape dangereuse vers la marchandisation de l’enseignement », qui pourrait affaiblir le caractère public et accessible de l’université. Elle appelle le ministre à préciser quelles mesures son département entend prendre « pour mettre fin à ce qui est perçu comme une atteinte au principe de gratuité ».

Cette question ne se limite pas à un débat technique sur le financement. Elle renvoie à une interrogation plus large : l’université doit-elle être un service public accessible à toutes et à tous, ou bien un espace où l’accès dépend des moyens financiers des individus ? Dans un contexte social marqué par de fortes inégalités, les frais imposés risquent de décourager des centaines de fonctionnaires qui voient dans la formation continue une voie d’émancipation professionnelle et personnelle.

La seconde question parlementaire s’attaque au projet de loi 59.24, qui vise à réorganiser le système de l’enseignement supérieur et de l’innovation. Fatima Ettaamni dénonce un texte « présenté de manière unilatérale et sans approche participative avec les enseignants et les instances universitaires », une méthode qui alimente la méfiance et provoque une montée des tensions dans les campus. Elle souligne que le projet « consacre le rôle d’un Conseil des gouverneurs sans représentation des enseignants et des étudiants », une exclusion jugée « grave pour le travail participatif et les droits des acteurs universitaires ».

Selon la députée, ce choix institutionnel n’est pas neutre. En écartant ceux qui vivent et font l’université au quotidien, le gouvernement envoie un signal inquiétant : celui d’une gouvernance centralisée, verticale, peu soucieuse de la collégialité et du débat académique. Elle rappelle que « le rejet massif exprimé par les professeurs et coordonnateurs de filières » s’explique par la volonté de protéger l’université contre « tout glissement susceptible de fragiliser la gratuité ou d’affaiblir la réforme pédagogique ». Dans sa lettre, Ettaamni demande explicitement « le retrait du projet de loi 59.24 et l’ouverture d’un dialogue élargi avec l’ensemble des acteurs ».

Ces deux interventions révèlent un même fil rouge : l’université marocaine est à la croisée des chemins. Entre la tentation d’un financement par les usagers et la mise en place d’une gouvernance éloignée de ses propres communautés, elle risque de perdre son rôle d’espace public de savoir, de mobilité sociale et d’émancipation.

En donnant voix à ces inquiétudes, Fatima Ettaamni ne s’adresse pas seulement au ministre, mais à l’opinion publique. Car derrière les textes et les frais, il y a une question essentielle : quelle université pour quel Maroc ? Un espace marchand soumis aux logiques comptables, ou une institution qui respire grâce à l’ouverture, la collégialité et l’égalité des chances ?

En citant ces passages, la députée a voulu alerter sur l’urgence de préserver ce qui fait la dignité de l’enseignement supérieur : son accessibilité et son autonomie. Deux valeurs qui, si elles venaient à se diluer, mettraient en péril non seulement l’avenir des étudiants et des enseignants, mais aussi celui d’un pays qui compte sur sa jeunesse pour porter son développement.

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