Lorsqu’un parti politique brandit le slogan « réprimer la fraude et la manipulation électorale », il ne formule pas seulement une revendication technique liée aux lois. Il cherche avant tout à remodeler son image dans l’espace public. Le langage électoral au Maroc ne se jauge plus uniquement à travers des programmes ou des promesses. Il se façonne aussi autour du symbole de celui qui revendique l’intégrité et de celui qui est perçu, explicitement ou implicitement, comme profitant de l’opacité.
Le Parti Authenticité et Modernité, présent au gouvernement, sait que la prochaine bataille de légitimité ne réside pas uniquement dans la conquête de sièges parlementaires. Elle se joue sur le terrain décisif de la confiance. Lorsqu’il avance l’idée d’un « pacte éthique entre partis », il esquisse un décor où il se présente en défenseur de la probité politique, comme s’il voulait réhabiliter une innocence fondatrice dans un moment dominé par la défiance populaire.
L’appel à durcir les sanctions contre la fraude va au-delà d’un dispositif juridique dissuasif. Il prend la valeur d’un geste moral par lequel le parti veut prouver qu’il s’écarte des circuits de l’« argent noir » et des réseaux d’influence souterraine. Il cherche à s’identifier à l’image d’une légalité rigoureuse. C’est une tentative de se poser en « gardien de la légitimité » à une époque où les forces politiques rivalisent pour s’approprier le droit de parler au nom du peuple.
Ce qui retient surtout l’attention dans cette démarche, c’est la volonté du parti d’endosser une posture de probité alors qu’il sait que les accusations et critiques du passé demeurent gravées dans la mémoire politique. La note transmise au ministère de l’Intérieur ne se réduit pas à de simples propositions techniques. Elle peut être lue comme une déclaration de principes traduisant implicitement le désir de clore une période encombrée par des affaires judiciaires ayant visé certains de ses dirigeants. Le parti suggère ainsi que l’avenir exige une redéfinition de soi et une réconciliation avec une image assainie, apte à regagner la confiance de l’opinion publique.
Cette initiative éthique reste inséparable du projet intellectuel et politique qui a présidé à la fondation du parti. Le PAM est né avec l’idée de moderniser la vie politique en intégrant des idées progressistes et en cherchant à conjuguer l’authenticité, profondeur identitaire et spirituelle, avec la modernité, cadre d’adaptation à un Maroc et à un monde en mutation. Son ambition initiale consistait à impulser une transformation qualitative de la politique marocaine et à l’arracher à son enfermement traditionnel pour l’ouvrir vers un horizon plus rationnel et plus moderne. La question revient avec insistance aujourd’hui : le parti a-t-il, après plus d’une décennie, réussi à réaliser cette transformation ?
A-t-il su mobiliser des penseurs et des théoriciens pour enrichir son discours et élaborer une vision politique renouvelée, en phase avec les mutations de la société marocaine et du monde ? Ou bien la conjoncture actuelle constitue-t-elle une occasion de réorganiser sa maison interne et de façonner un discours capable de renouer avec les ambitions fondatrices, mais avec davantage de réalisme et en tenant compte d’attentes populaires impossibles à éluder ?
L’horizon reste ouvert pour Authenticité et Modernité. Ce parti, né d’une idée de renouveau, peut, s’il lit avec justesse les mutations profondes du Maroc et du monde, redéfinir son identité politique en alliant force organisationnelle, cohérence intellectuelle et probité pratique. Il pourrait alors passer du rôle d’acteur parmi d’autres dans les équilibres politiques à celui de force de proposition influente, et de formation hésitant entre passé et présent à celui de porteur d’une vision d’avenir restituant à la politique son sens et à la confiance populaire sa place.
