Ghizlane Chebbak: La CAN était une opportunité idoine pour le lancement du football féminin mais le plus dur reste à venir

06 août 2022 - 12:48

Dans une interview exclusive à Alyaoum24, l’emblématique capitaine de l’équipe nationale féminine marocaine Ghizlane Chebbak, revient sur des moments importants de sa carrière , dévoile ses sentiments après le parcours historique à la CAN, partage des anecdotes vécues à l’intérieur du groupe, et dévoile ses ambitions.

Jusqu’à quel point avoir un père légende du football national vous a-t-il aidée à devenir la footballeuse d’aujourd’hui ?

Ghizlane Chebbak: Mon père était celui qui m’a fait aimer le football et m’a beaucoup aidée à développer mon talent et c’est lui qui m’a appris les règles du football.

Vous faites partie d’une génération qui a beaucoup souffert pour arriver à ce niveau, pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours plein de difficultés ?

Oui, Dieu merci, j’ai côtoyé deux générations. Il y avait beaucoup de talents dans l’arène du football, mais personne n’y prêtait attention. Il n’y avait aucune possibilité, donc la plupart des joueuses ont cessé de s’entraîner. Dieu merci, j’ai eu le soutien de la famille qui a cru en mon talent et m’a toujours encouragée à poursuivre, et nous voilà aujourd’hui à l’opposé de ce qu’il y avait dans le passé, et il y a un grand développement dans ce sport, les conditions de travail sont devenues favorables.

Vous avez fait plusieurs clubs durant votre carrière au Maroc et en Égypte, mais jusqu’à quel point votre signature à l’AS FAR vous a permis de progresser comme joueuse ?

Toutes mes expériences avec les clubs dans lesquels j’ai joué ont été belles et utiles, et mon expérience en Egypte a été parmi les meilleures expériences car la Ligue égyptienne connait une grande compétition entre les équipes qui sont presque toutes du même niveau, et c’est ce qui m’a aidée pour développer mon niveau. Quant à l’équipe des FAR, les responsables ont beaucoup travaillé pour former une équipe qui aujourd’hui domine le championnat. Ils ont donc rassemblé toutes les joueuses de l’équipe nationale et assuré toutes les conditions nécessaires pour garantir un bon niveau aux joueuses. C’est ce qui a fait que rejoindre l’équipe des FAR devienne le rêve de toute joueuse débutante. Nous avons remporté plusieurs titres avec l’équipe et c’est ce qui va nous servir dans notre carrière sportive.

Jusqu’à quel point le coach Haidamou vous a-t-il aidée ainsi que vos coéquipières concernant le côté tactique et technique ?

Personnellement, je le dis et je le répète toujours. Chaque entraîneur avec qui j’ai travaillé m’a beaucoup apporté. Quant à l’entraîneur Haidamou, que je respecte beaucoup, c’est un grand joueur avant d’être un grand entraîneur, en témoignent les années pendant lesquelles nous avons travaillé ensemble.

Nous comprenons très bien ce qu’il veut  sans qu’il ait besoin de parler. C’est un entraîneur qui nous a beaucoup apportées. D’un point de vue technique, tactique, et même physique, ainsi que moralement, car c’est un entraîneur qui met l’accent sur le moral et c’est un modèle en la matière. Pour nous, c’est un père avant d’être un entraîneur.

La nouvelle politique de la Fédération royale marocaine de football, vous a mis face à une lourde responsabilité lors de cette CAN pour le développement du foot féminin ? Parlez-nous de cette mission ?

Personnellement, j’attendais le moment de braquer les projecteurs sur le football féminin et les joueuses, et l’occasion s’est présentée avec la Coupe d’Afrique des nations. Pour nous c’était une opportunité idoine pour le lancement du football féminin et de travailler dans le bon sens. C’est ce que nous avons réussi à faire, mais la plus grande responsabilité est celle qui vient car il faudra continuer sur ce rythme et s’améliorer toujours davantage.

Comment vous pouvez jongler entre le foot et votre vie personnelle ?

Très facile, je consacre le temps qu’il faut au football et à l’entraînement, mais je ménage également du temps pour ma vie personnelle.

Pouvez-vous nous raconter une anecdote que vous avez vécue au sein du groupe de l’équipe nationale durant la CAN ?

Je me souviens que nous approchions de l’Aïd al-Adha et nous, en tant que Marocains, aimons vivre tous les rituels, et c’est ce que nous avons fait le jour de l’Aïd, nous avons insisté pour assister au sacrifice du mouton. Et les coachs n’ont jamais vécu cela auparavant, et étaient surpris de voir notre bonheur alors que nous célébrons ce moment.

Comment allez-vous aborder la coupe du Monde ?

Nous avons un an pour préparer cette échéance, nous savons très bien que ce sera une compétition forte, mais nous avons pleinement confiance dans le groupe et la direction technique pour représenter le Maroc de la meilleure façon.

Vous avez vécu beaucoup d’émotions avec le grand public marocain, parlez-nous d’un événement qui vous a marquée pendant la CAN ?

Mon bonheur était indescriptible quand j’ai vu la présence d’un si grand public, et mon bonheur était plus encore quand j’ai vu des mères venir au stade pour nous encourager. Mais une fois j’ai vu sur les réseaux sociaux une vieille dame qui ne pouvait même pas bouger. Elle s’appuyait sur son petit-fils et prenait sur elle pour s’installer dans les gradins et pouvoir nous encourager. J’ai adoré cette photo, elle m’a beaucoup touchée.

Quelle est le point fort du sélectionneur national Pedros et que vous a-t-il apporté ?

C’est un grand entraîneur et il est très connu. Sa force est dans son travail. C’est un entraîneur qui travaille sur l’ensemble du groupe, il n’a pas de star et œuvre à faire de l’équipe un bloc uni et homogène, aussi bien  à l’intérieur qu’à l’extérieur du terrain. Il nous a apporté la discipline et la confiance, et c’est ce qui a fait que nous sommes devenues plus disciplinées tactiquement et avons pu imposer notre façon de jouer à l’adversaire.

Que représente pour vous le titre de meilleure joueuse de la CAN ? 

C’est bien d’obtenir ce prix, c’est le résultat de beaucoup de travail, de discipline et aussi de sacrifices, mais toutes les joueuses auraient mérité d’obtenir ce prix. Je n’aurai pas pu réussir sans elles.

Pouvez-vous nous décrire votre sentiment après l’appel de SM le Roi ?

C’est un grand honneur pour nous de recevoir l’appel de Sa Majesté le Roi. C’était pour nous la lueur qui nous a relancées après qu’on se soit dit que tout était perdu, mais il était très content et très fier de notre performance durant cette compétition, comme tous les Marocains, et cela nous motivera et nous incitera à travailler davantage pour honorer le Maroc.

Quelles sont vos ambitions futures ? Avez-vous l’intention de rejoindre un club européen de renommée internationale ?

Nous avons reçues  plusieurs propositions d’équipes européennes, que j’étudie avec mon agent Hayat Jabrane et nous espérons que la direction de l’AS  FAR sera compréhensive.

Je laisse cette question en dernier, à votre avis qu’est ce qui vous a manqué pour remporter le titre ?

Pour moi c’était un manque d’expérience et un peu de chance aussi. A part ça, on a tout fait.

 

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