Le Forum de Xiangshan, rendez-vous annuel de la diplomatie militaire chinoise, a pris une tournure inattendue lorsque Yan Xuetong, figure majeure de l’université de Tsinghua, a publiquement confronté un officier israélien sur la guerre à Gaza. L’échange illustre la façon dont Pékin devient un espace de contestation des récits dominants et souligne l’importance croissante de la bataille des perceptions internationales.
L’incident s’est produit lors d’une séance où les délégations israélienne et chinoise prenaient la parole. Elad Shoshan, officier représentant l’armée israélienne, a défendu la poursuite de l’offensive militaire jusqu’à la libération des otages détenus par le Hamas. Dans un climat déjà tendu, le professeur Yan Xuetong a choisi de répondre avec fermeté. Selon les images largement diffusées sur les réseaux sociaux, il a accusé Israël d’avoir frappé femmes et enfants, estimant que ce choix avait fait perdre à l’État hébreu toute légitimité dans sa guerre.
Yan a avancé le chiffre de plus de 70 000 victimes civiles, un nombre qui reste sujet à débat, mais qui renvoie à la perception d’une catastrophe humanitaire. Il a également rejeté l’idée que Tel-Aviv puisse décider unilatéralement de ce qui constitue un fait ou non, soulignant ainsi l’importance d’un contrôle international indépendant. Pour l’académicien, réduire le conflit à la libération des otages revient à effacer les souffrances civiles et à justifier une guerre sans fin.
Le représentant israélien a répliqué que son armée faisait tout pour éviter les pertes civiles, mais ses propos ont été immédiatement qualifiés de “propagande” par le professeur chinois. L’échange, d’une rare brutalité verbale dans ce type de forum, a mis en lumière le fossé qui sépare les justifications militaires et les lectures critiques venues d’Asie.
Cet épisode apparaît comme bien plus qu’un échange de mots. Il illustre l’ambition de Pékin d’accorder à ses forums une véritable portée internationale en ouvrant la scène à des voix critiques que d’autres enceintes officielles placent rarement au centre. Pékin entend rivaliser avec le Dialogue de Shangri-La de Singapour et s’imposer comme centre de gravité du débat sécuritaire mondial. En laissant un intellectuel reconnu contester ouvertement Israël, les autorités chinoises signalent leur volonté de façonner une scène où les puissances occidentales et leurs alliés ne détiennent pas le monopole du récit.
La question de Gaza reste l’un des sujets les plus sensibles de l’agenda international. Pour le Maghreb comme pour l’ensemble du monde arabe, les paroles de Yan Xuetong résonnent avec force. Elles expriment une dénonciation claire des violences infligées aux civils et rappellent que la légitimité d’un État s’évalue à la fois par sa puissance militaire et par sa capacité à respecter le droit humanitaire.
Cet épisode montre aussi que la guerre de Gaza ne se joue pas uniquement sur le terrain militaire. Elle se joue dans les arènes médiatiques, diplomatiques et universitaires, là où se forgent les perceptions et se construisent les alliances symboliques. En ce sens, l’intervention du professeur chinois pèse davantage qu’un simple éclat puisqu’elle participe à une recomposition du débat international, où le langage des droits et de la dignité prend le pas sur les discours sécuritaires.
À Pékin, au cœur du Forum de Xiangshan, la confrontation verbale entre un intellectuel chinois et un officier israélien illustre la bataille plus large pour définir ce que signifie la légitimité en temps de guerre. Pour les chancelleries comme pour les opinions publiques, cette scène restera comme un rappel que la diplomatie militaire n’échappe pas au tribunal moral des idées.