Qu’un festival culturel puisse survivre et perdurer durant plus de six décennies au Maroc n’est pas anodin. Le Festival National de Poésie Marocaine Moderne, est l’un des plus anciens événements littéraires du pays. Créé par l’Association des Amis d’Al-Mu’tamid Ibn Aabbd à Chefchaouen, il visait à promouvoir la poésie marocaine moderne et à lui offrir une scène nationale et arabe.
Installé depuis 1965 à Chefchaouen, ville au patrimoine culturel et poétique unique, le festival est vite devenu un lieu de rencontre incontournable. Il a accueilli au fil des éditions les plus grands poètes marocains et arabes, tout en encourageant l’émergence de jeunes voix. Au-delà des lectures et hommages, le festival a toujours intégré des débats critiques et des réflexions sur l’évolution de la poésie et du langage.
Il ne fait aucun doute que l’Association des Amis d’Al-Mu’tamid a lutté et innové pour maintenir ce rendez-vous vivant, notamment face aux difficultés financières et aux changements culturels. Sa persévérance jusqu’à la 35ᵉ édition, consacrée à « l’interprétation du texte », en est la preuve. Cela démontre qu’Al-Mu’tamid, ce poète andalou qui fit de sa vie un poème de beauté et de grandeur – à l’image de Séville, sa ville natale – peut reposer en paix : la flamme de la poésie reste allumée, le poème demeure vivant et la langue continue de se renouveler.
Cependant, cette année, la 36ᵉ édition, prévue du 11 au 13 juillet 2025 sous le thème « 67 ans de créativité et d’immersion dans l’industrie culturelle », a été annulée faute de soutien financier. Selon un communiqué de l’association reçu par le journal « Al Youm24 », malgré les multiples demandes adressées aux institutions locales, régionales et nationales, dont le ministère de la culture et de la communication, aucun financement n’a été obtenu pour garantir l’organisation de cet événement dans des conditions dignes.
Ce festival n’est pas un simple rendez-vous culturel annuel. Il incarne un engagement profond, un acte de foi dans la poésie et dans son pouvoir de transformer l’esprit et le regard. Honorer ce festival, c’est reconnaître la dignité et l’effort de ceux qui, pendant des décennies, ont défendu la parole poétique comme patrimoine vivant et espace de liberté.